Jer'Echos

Jer'Echos

« Mon boussol z’égui l’a cassé ! »

 

                                            

 

 

C’est par cette métaphore très parlante que débute le récit de Ludovic qui est, à lui tout seul, une publicité vivante pour La Réunion. La peau presqu’aussi sombre que ses dreadlocks, l’accent chantant de ses origines, il est revêtu de sa tenue de sport arborant « lo Maveli », le drapeau de son île. Il semble intimidé quand il parle et son débit est tel que j’ai du mal à saisir le sens de ses paroles. D’autant plus qu’il s’exprime en créole réunionnais. La moue inquiète mais une étincelle malicieuse au fond des prunelles, il finit par gagner en assurance et me raconte comment il en est venu à participer aux « Rencontres du Sport Solidaire » (R.S.S.).

 

Issu d’une famille pauvre, son enfance et son adolescence ne furent pas des parties de plaisir. Aussi, à vingt-trois ans, il est seul. Il est perdu. Son avenir, il le voit sans horizon. Comme il le dit : _ « Mon boussol z’égui l’a cassé ! » C’est alors qu’il entend parler de la Boutique Solidarité (B.S.) de Saint Joseph. Se sachant dans une impasse, il se dit que c’est peut-être un chemin de traverse vers un meilleur. Qui sait ?

 

Il s’y rend. D’abord timidement, tel un chien errant qui a reçu plus de coups que de caresses. Mais il y trouve de quoi manger, de quoi se laver, de quoi s’habiller. Surtout, ce qu’il y découvre, ce sont des personnes qui s’intéressent à lui. Vraiment ! Sincèrement ! Aussi y vient-il presque tous les jours. Il participe aux tâches, aux activités proposées, certaines ludiques, d’autres moins. Comme celles tournées vers la « réinsertion » : Comment rédiger un cv ; pourquoi et comment abandonner l’usage du créole au profit du français lors des entretiens d’embauche ; comment décrypter les arcanes de l’administration et autres joyeusetés. Ce n’est pas très gai. Alors, il « découche » et disparaît pour plusieurs jours.

 

Mais il sait que : « Si j’y vais pas, c’est pas bon ! » ; « Si j’y vais pas, je retourne en arrière ! Et derrière, c’est pas bon !» De plus, quand il erre dans les rues, il est seul. Alors qu’à la B.S., il se sent, - se sait -, aimé. Et il aime ça, être aimé ! Tout comme il aime aimer ceux qui l’aiment ! Alors, il y revient. Il s’applique, fait de son mieux. C’est long, c’est dur, c’est ardu, c’est fastidieux. Mais il tient bon. Et il avance, pas à pas. Il avance !

 

Puis vient l’invitation. Celle dont ils rêvent tous : « Venez aux R.S.S. »

 

On organise des manifestations pour financer le voyage. Il y participe, s’y donne à fond, se rend à tous les entraînements, se rend utile lors du kabar. Et, ça paie ! il sera, il est de ceux qui iront en France.

 

C’est-i-pas-beau ? Moi, je trouve !

 

Plus beau encore, c’est ce dont Ludovic ne m’a pas parlé. (Je vous ai dit qu’il était malin). L’info, je la tiens de Laurent, éducateur à la B.S. de Saint Joseph, c’est que Monsieur a trouvé un emploi. Il a signé. Enfin, pour lui, s’ouvre un horizon où le soleil se lève.

Aujourd’hui, il a trente et un ans et un avenir.

L’aiguille de sa boussole est réparée.

Je n’aurai qu’un mot pour finir : Bravo !

 



08/06/2013
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